Travailler en Suisse fait rêver beaucoup de Français.
Salaires plus élevés, meilleure qualité de vie, stabilité professionnelle, cadre de travail apaisé…
Mais derrière ce rêve, il y a une réalité que beaucoup découvrent trop tard : on ne postule pas en Suisse comme on postule en France.
Et c’est justement pour ça que j’ai voulu donner la parole à quelqu’un qui connaît ces différences de l’intérieur.
Aujourd’hui, j’accueille Tomy Dijoux, consultant en recrutement IT à Genève, avec plus de 20 ans d’expérience dans le commercial, le management et l’IT.
Il accompagne chaque jour des talents français qui veulent travailler en Suisse romande… et voit passer toutes les erreurs (et toutes les réussites).
Dans cette interview, il partage :
- les erreurs fatales que font (presque) tous les candidats français,
- les vraies différences culturelles entre France et Suisse,
- les codes précis pour adapter son CV, son LinkedIn, sa lettre,
- les bonnes pratiques pour décrocher un poste… sans perdre du temps ni se griller.
Si tu envisages de travailler en Suisse, maintenant ou un jour, tu vas gagner des mois d’avance.
Bonne lecture à toi 🤗
Ravie de t’accueillir ici Tomy et bienvenue à toi. Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Merci beaucoup pour l’invitation ! Je m’appelle Tomy Dijoux, je suis consultant en recrutement IT à Genève chez Experis SA.
J’ai plus de 20 ans d’expérience dans le commercial, le management et l’IT, et je mets aujourd’hui toute cette expérience au service des candidats et des entreprises.
Mon rôle, c’est d’aider les talents IT à trouver leur place en Suisse romande, et d’accompagner les entreprises dans la recherche de profils rares.
Génial, rentrons tout de suite dans le vif du sujet. Quelle est l’erreur n°1 que font (presque) tous les Français qui postulent en Suisse ?
L’ERREUR À ÉVITER QUAND ON POSUTLE EN SUISSE
L’erreur principale, c’est de postuler en Suisse comme on le ferait en France. Beaucoup oublient des éléments essentiels : par exemple, indiquer clairement leur nationalité, leur permis de travail, et même le fait qu’ils parlent français. Ça paraît évident, mais ce sont des critères clés pour un recruteur suisse.
Et quels sont les principaux malentendus entre recruteurs suisses et candidats français ?
LES MALENTENDUS ENTRE RECRUTEURS SUISSES ET CANDIDATS FRANÇAIS
Le premier malentendu, c’est sur le salaire et le coût de la vie
Certains candidats pensent qu’ils vont “gagner le double” alors qu’en réalité, les salaires sont plus élevés, mais les charges (assurances, logement, fiscalité locale) le sont aussi.
Le deuxième, c’est la période d’essai et la stabilité
En Suisse, les entreprises attendent une loyauté réelle, ce qui n’est pas toujours la même mentalité qu’en France.
Enfin, la communication
Les Suisses sont directs mais très diplomates. Une approche trop insistante ou trop “vendeuse” peut refroidir.
Quand tu reçois un CV d’un candidat français, qu’est-ce qui saute aux yeux en premier (positif ou négatif) ?
LE CV FRANÇAIS EN SUISSE
Souvent, le côté trop chargé : 2 à 3 pages, beaucoup de détails, peu de résultats chiffrés.
Le positif, c’est que les candidats français ont souvent une vraie polyvalence. Mais attention : en Suisse, on apprécie moins le profil “couteau suisse” qui fait tout. On préfère un candidat spécialisé, avec une expertise claire.
Est-ce que les diplômes et formations français sont perçus de la même manière en Suisse ?
LA FORMATION FRANÇAISE EN SUISSE
Globalement oui, surtout dans l’IT.
Mais il faut toujours être prêt à expliquer la valeur d’un diplôme français en Suisse, car les recruteurs ne connaissent pas toutes les équivalences.
Et parfois, un Brevet fédéral suisse peut avoir plus de poids qu’un Master français.
Parfois, nous avons besoin d’être source de proposition au sein même de notre entreprise pour y apporter ce qui nous manque…
CV, Lettre de motivation, LinkedIn… Si tu devais donner un conseil propre à chacun de ces 3 éléments pour une candidature en Suisse, que dirais-tu ?
CV, LETTRE DE MOTIVATION, LINKEDIN EN SUISSE
1) Le CV
Clair, 1 page si possible, et surtout : des chiffres précis. Structure : du générique vers le concret, puis vers les résultats mesurables.
Je reçois un CV. Beau, soigné, mais… impossible de comprendre l’impact. Je l’appelle. On parle cinq minutes. Il me raconte un projet : “On a migré l’infra.” Je lui demande : “Et alors, qu’est-ce que ça a changé pour l’entreprise ?”
Il réfléchit deux secondes : “On a diminué les incidents critiques, le temps de résolution a fondu, l’équipe a repris la main.” C’est là que tout se passe. Je lui dis : “Parfait. Maintenant, écris-le. Pas ‘migration réalisée’, mais ce que ça a amélioré — en chiffres si tu peux.”
Je vois son CV se transformer sous mes yeux : il ne raconte plus un rôle, il raconte une valeur.
2) La lettre de motivation
Courte, factuelle, sans tourner autour du pot.
3) LinkedIn
Incontournable ici. Réseau, visibilité, interactions : c’est la vitrine N°1.
Sur LinkedIn, c’est pareil. Je regarde d’abord le titre, la photo, le résumé. Le titre me dit qui tu es aujourd’hui. Le résumé me dit pourquoi on devrait te parler. J’adore quand je sens une trajectoire cohérente, un fil rouge. L’activité finit de me convaincre : si tu interagis, si tu partages, si tu te positionnes, je sais que tu es vivant dans ton marché.
Très souvent, j’accompagne le candidat jusqu’à ce que tout s’aligne : le CV, le format, la façon de raconter pour la Suisse. Ce n’est pas “polir un document”, c’est mettre en récit une contribution.
Côté salaire, est-ce que les Français demandent trop, ou pas assez ?
LES SALAIRES EN SUISSE
Les deux existent. Certains demandent trop, d’autres trop peu.
C’est pour ça que j’ai créé un guide des salaires IT en Suisse romande, que je partage volontiers avec les candidats. Ça leur donne une base réaliste et les aide à négocier avec confiance.

Y a-t-il des sites, réseaux ou canaux privilégiés pour postuler efficacement ?
LES SITES POUR BIEN POSTULER EN SUISSE
Oui : JobUp, Jobs.ch, LinkedIn sont incontournables. Mais le plus efficace reste le réseau et le contact direct avec les agences de placement. Beaucoup de postes ne sont jamais publiés en ligne.
Et est-ce que tu observes aussi des erreurs dans la posture en entretien ?
LES ERREURS EN ENTRETIEN
Oui, surtout dans la posture : trop “vendeur” ou au contraire trop relâché. En Suisse, on attend un équilibre : sobriété, précision, humilité, mais aussi la capacité à démontrer sa valeur avec des exemples concrets.
Il y a ces entretiens où je sens l’énergie monter trop vite. Le candidat veut briller, tout prouver, convaincre à toute force. Je le comprends, l’enjeu est réel. Mais en Suisse, cette intensité peut passer pour de l’agressivité, ou de la nervosité. On ne vient pas vendre sa personne. On vient expliquer calmement ce qu’on sait faire et ce qu’on a déjà délivré.
À l’autre extrême, je vois aussi des candidats s’excuser d’exister, demander presque la permission de parler. Ça donne une impression de besoin, de dépendance. Là encore, on perd la justesse.
Et puis il y a ces moments qui me marquent.
Un candidat finaliste me dit : “Je connais quelqu’un de mieux que moi pour ce contexte précis.” Il me transmet le contact. Son ami est embauché. Il m’écrit ensuite, vraiment heureux pour lui. Ce geste m’est resté. Pas parce qu’il est “sympa”, mais parce qu’il révèle une maturité professionnelle, une sécurité intérieure, une logique de contribution.
En Suisse, on remarque ce genre d’attitude. On n’oublie pas.
Quelles sont les plus grosses différences culturelles dans le monde du travail entre la France et la Suisse romande ?
LES DIFFÉRENCES CULTURELLES DANS LE MONDE DU TRAVAIL
Les principales différences
- La ponctualité : en Suisse, elle est sacrée.
- La hiérarchie : plus horizontale et collaborative qu’en France.
- La communication : on évite les conflits ouverts, on préfère le consensus.
Comment j’ai moi ajuster ma façon de me raconter
Quand je suis arrivé, je pensais simplement raconter mon parcours. On m’a dit un jour : “Ta formulation sonne prétentieuse ici.” J’ai été surpris. Je ne me “vendais” pas, je décrivais.
Et j’ai compris : je parlais de moi, alors qu’on attendait que je parle de l’entreprise, de l’équipe, de l’impact. J’ai changé de focale. Même histoire, autre angle : moins “moi”, plus résultat partagé. Et tout s’est ajusté.
Super important
La Suisse aime la précision et la spécialisation. Ici, on ne multiplie pas les entretiens “au cas où”. On rencontre moins de candidats, mais ceux qui collent exactement au besoin. Le “couteau suisse” rassure parfois en France ; ici, on préfère le spécialiste qui a creusé son sillon.
Et puis il y a le rythme. Les décisions sont plus lentes, plus collégiales. On prend le temps.
Beaucoup de professionnels travaillent à 80% ou 90% par choix. Sur le papier, ça bouscule la semaine de 40/42 heures. Dans la réalité, c’est assumé.
L’équilibre vie pro / vie perso n’est pas un slogan : c’est une pratique. Travailler bien, longtemps, sans s’abîmer.
Quelles sont donc les 3 choses qu’un Français doit absolument faire pour maximiser ses chances en Suisse ?
MAXIMISER SES CHANCES EN SUISSE
Adapter son CV et sa candidature aux standards suisses.
Je pense à cette candidate. Solide techniquement, mais invisible sur le papier. On a repris son CV ensemble. On a traqué le concret : ce qu’elle avait amélioré, stabilisé, accéléré. Pas des adjectifs, des faits. Son document a cessé d’être une biographie ; c’est devenu un tableau de bord.
Travailler son réseau et sa visibilité LinkedIn.
Ensuite, on a ouvert LinkedIn. Elle “likait” parfois, sans plus. Je lui ai proposé d’oser : commenter vraiment, poser une question, partager un retour d’expérience. Elle a contacté deux recruteurs avec un message personnalisé, simple, précis. D’un coup, des portes se sont ouvertes, pas parce qu’elle a crié plus fort, mais parce qu’on l’a vue.
Être clair et réaliste sur ses prétentions salariales.
Enfin, on a parlé salaire. Elle hésitait, peur de viser trop haut ou trop bas. On a posé les bases : marché local, contexte, fourchette réaliste. J’ai partagé mon guide des salaires IT pour cadrer la discussion. Elle est arrivée en entretien alignée : pas de poker, pas de flou. Juste une proposition claire et argumentée.
Ce n’est pas une formule magique. C’est une posture : de la clarté, de la visibilité, de la cohérence.
Et pour terminer, quel est le meilleur conseil carrière que tu pourrais donner ?
Persévérer et surtout adopter une approche qualitative plutôt que quantitative.
Envoyer 200 CV ne sert à rien. 10 candidatures bien ciblées, avec un vrai suivi, auront beaucoup plus d’impact.
Persévérer et surtout adopter une approche qualitative plutôt que quantitative.
Mille mercis Tomy pour tes conseils ❤️.
Si tu souhaites aller plus loin, tu peux retrouver Tomy sur LinkedIn,
Et si tu as aimé l’article, fais-le nous savoir avec un ❤️ ici 👇 ou un commentaire.
C’est super encourageant et ça me permet de pouvoir traiter encore plus de questions liées au bien-être au travail.
A lire aussi : Travailler au Canada – Ce que tu dois savoir avant de t’expatrier



Laisser un commentaire