1 soignant sur 2 pense à changer de métier, selon une étude de la DREES. Cette statistique inquiétante soulève une question cruciale « Peut-on prendre soin des autres sans s’oublier soi-même ? » Et si partir devient la seule option , comment réussir sa reconversion ?
J’ai posé toutes ces questions à Marie-Claire Adjai, coach en reconversion professionnelle spécialisée dans l’accompagnement des soignants.
Bonne lecture à toi, et si tu connais une personne dans le soin dans ton entourage, partage-lui l’article 🤗
Hello Marie-Claire et bienvenue.
Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Je suis coach certifiée RNCP, spécialisée en reconversion professionnelle, et j’accompagne les soignants qui souhaitent se réinventer.
Avant cela, j’ai exercé plusieurs métiers : comptable, conseillère clientèle, enseignante, contrôleuse de gestion. Aujourd’hui, je suis coach professionnelle car je sais à quel point changer de voie peut être faire peur, étant moi-même passée par cette étape.
Je viens aussi d’une famille de soignants : mon père, ma mère et ma sœur sont infirmiers ou aides-soignants. J’ai grandi avec leurs plannings à rallonge, leurs histoires de patients, la fatigue… mais aussi la passion qu’ils avaient pour leur métier.
Mon objectif aujourd’hui : aider les soignants à se construire une vie professionnelle alignée, sans repartir de zéro.
Tu accompagnes donc de nombreux pros du soin : qu’est-ce qui revient le plus souvent dans leur envie de reconversion ?
POURQUOI LES SOIGNANTS SOUHAITENT SE RECONVERTIR
La fatigue. Physique, mentale, émotionnelle.
Le sentiment de s’être oubliée en donnant tout aux autres.
Et surtout, l’impression de ne plus avoir de vie personnelle.
Beaucoup me disent : « Je rentre chez moi le soir et je n’ai plus d’énergie pour mes enfants. Je me sens vidée, comme un robot. »
Le vrai problème ? S’identifier uniquement à son métier. Quand on se définit d’abord comme “soignant”, on a l’impression de ne pas exister en dehors du soin.
Et quels sont, selon toi, les signaux d’alerte qu’il est temps de changer de voie ?
LES SIGNES QU’IL EST TEMPS DE CHANGER DE VOIE
- Tu es épuisée en permanence, même après tes jours de repos.
- Tu ressens de la colère ou de l’injustice face aux patients, aux familles, à l’institution.
- Tu n’as plus d’énergie pour tes proches.
- Tu te dis : « Je ne pourrai pas tenir 10, 15 ou 20 ans comme ça. »
Ces signaux ne sont pas à prendre à la légère. Ils montrent qu’il faut réfléchir à la suite, avant le burn-out.
Justement, ce n’est pas toujours évident de sauter le pas.
Pourquoi est-ce si difficile de partir quand on travaille dans le soin ?
D’abord à cause de la culpabilité : quitter un métier aussi utile peut donner l’impression de trahir une mission.
Ensuite, il y a la peur. Peur de manquer.
- Manquer d’argent
- Manquer de stabilité
- Manquer de reconnaissance
Et pour les fonctionnaires, la peur de perdre son statut pèse lourd.
Mais bonne nouvelle : on peut sécuriser la transition.
quitter un métier aussi utile peut donner l’impression de trahir une mission.
Comment déconstruire l’idée qu’on gâche ses années d’études ?
DÉCONSTRUIRE LES IDÉES RECUES
On ne repart jamais de zéro.
Les compétences des soignants sont précieuses ailleurs :
- Gérer l’urgence et les priorités
- Communiquer clairement, même en situation tendue
- Organiser, s’adapter à tout
- Écouter et créer du lien
J’ai accompagné des soignants qui sont aujourd’hui :
- Agents immobiliers, où leur sens du contact fait merveille
- Coachs en image, capables de redonner confiance aux autres
- Entrepreneurs dans le bien-être, la formation ou l’événementiel
Une infirmière me disait récemment : « J’ai utilisé ma capacité à organiser des tournées pour gérer mes rendez-vous clients. C’est exactement la même logique… mais je choisis mes horaires. »

Et quels sont les freins les plus courants que rencontrent les soignants en reconversion ?
LES FREINS DES SOIGNANTS EN RECONVERSION
Il y a en effet des freins qui sont propres aux soignants en reconversion, compte tenu de leur parcours de formation et de leur parcours professionnel. Parmi ces derniers, je dirais que ceux qui ressortent le plus souvent sont :
- La peur de manquer d’argent, de sécurité
- Ne pas savoir quoi faire d’autre : s’identifier uniquement au métier du soin
- L’impression qu’il est trop tard
- Le manque de temps pour réfléchir, avec des plannings très chargés
Ces freins sont normaux, mais ils ne doivent pas t’empêcher d’agir.
Et j’imagine aussi la peur de devoir tout recommencer…
Comment capitaliser sur ses compétences sans repartir de zéro ?
COMMENT CAPITALISER SUR SES COMPÉTENCES
D’abord, il faut sortir de l’idée qu’on “ne sait rien faire d’autre”.
Ce que je répète souvent aux soignants : « Tu as bien plus de compétences que tu ne le crois, tu es juste trop dedans pour les voir. »
Voici comment on peut capitaliser :
1. Traduire les compétences “du soin” en compétences transférables
Tu sais gérer des situations d’urgence. Traduction : tu es capable de prioriser, de décider vite, et de tenir sous pression.
Tu sais parler à des patients inquiets, des familles à bout. Traduction : tu as de l’intelligence émotionnelle, tu sais rassurer, expliquer, et garder ton calme.
Tu bosses en équipe, tu t’adaptes à des imprévus constamment : flexibilité, communication, sens de l’organisation.
Toutes ces qualités sont des atouts recherchés en entreprise, dans la formation, le management, l’accompagnement, l’événementiel…
2. Valoriser les qualités humaines
On ne le dit pas assez, mais être soignant, c’est avant tout être humain.
Écoute, patience, adaptabilité, engagement… Ce sont des soft-skills rares qui font toute la différence dans d’autres métiers : RH, recrutement, conseil, coaching, vente, gestion de projet…
3. Accepter de ne pas tout maîtriser tout de suite
Oui, il y aura des choses à apprendre.
Mais non, tu ne recommences pas à zéro.
L’expérience de terrain que tu as eue te donne une vraie maturité professionnelle. Et ça, c’est un socle sur lequel on peut construire.
Et quels types de métiers ou secteurs attirent souvent les anciens soignants ?
LES MÉTIERS QUI ATTIRENT LES ANCIENS SOIGNANTS
Il n’y a pas un seul chemin, mais plusieurs familles :
- Les métiers de l’accompagnement : coaching, formation, RH, recrutement.
- Les métiers commerciaux et relationnels : immobilier, vente B2B, gestion de projet.
- Les métiers créatifs et entrepreneuriaux : conseil en image, organisation d’événements, création d’entreprise.
Quand on ne s’identifie plus uniquement au soin, on découvre qu’on a déjà les clés pour réussir ailleurs.
Et tu parles souvent de “clarifier son projet” : par quoi on commence concrètement ?
COMMENT CLARIFIER SON PROJET
La plupart des soignants que j’accompagne me disent : « Je ne sais pas ce que je veux faire, mais je sais que je ne veux plus continuer comme ça. »
C’est un bon début. Mais ensuite, on doit structurer.
On commence toujours par l’identité
Qui es-tu quand tu ne portes pas ta blouse ?
Quelles sont tes valeurs ? Tes talents naturels ? Les causes qui te touchent ?
Tant qu’on se définit uniquement comme “soignant”, on se sent enfermé. Revenir à son identité profonde, c’est comme poser les fondations avant de construire la maison.
On identifie les zones de plaisir et de frustration
Qu’est-ce qui t’a toujours plu dans ton métier ? La relation, la pédagogie, le mouvement, la technique ?
Qu’est-ce qui, au contraire, t’épuise, te frustre ou te met en colère ?
Ces éléments donnent des indicateurs très concrets sur ce que tu veux retrouver – ou fuir – dans ton futur métier.
On teste sans tout lâcher
Clarifier son projet ne veut pas dire poser une étiquette tout de suite.
Tu peux faire une immersion, interroger des professionnels, tester une formation courte, ou lancer un projet en parallèle.
Tu peux aussi demander une disponibilité, faire de l’intérim, et avancer étape par étape.
Clarifier son projet, ce n’est pas tout savoir d’un coup.
C’est accepter d’explorer, de se reconnecter à soi, et d’oser imaginer autre chose.
Tout à l’heure quand on abordait les freins, on parlait de la peur de perdre en stabilité ou en sécurité financière.
Comment gérer cette peur en particulier ?
SURMONTER LA PEUR DE PERDRE EN STABILITÉ FINANCIRE
La peur de manquer est normale. Mais tu n’as pas besoin de tout lâcher d’un coup.
Il existe des leviers :
- Demander une disponibilité ou un détachement (pour les fonctionnaires).
- Travailler en intérim le temps de construire son projet.
- Se renseigner sur les aides à la reconversion : CPF, aides de la région ou du département, financements de formations.
- Établir un plan de transition clair : quelles sont mes charges fixes ? combien de temps ai-je devant moi ?
Quand tu as ce filet de sécurité, tu peux avancer plus sereinement.
Que pourrais-tu dire à un soignant en pleine remise en question ?
Tu as le droit de penser à toi, tu n’es pas “juste” un soignant.
Changer de voie ne veut pas dire renier ta vocation, ça veut dire te donner le droit d’avoir une vie professionnelle qui respecte aussi tes besoins.
Et enfin, quel est le meilleur conseil carrière que tu n’aies jamais reçu ou que tu pourrais donner ?
Ne reste pas seule avec tes doutes. Entoure-toi, fais-toi accompagner, avance par petites étapes.
L’action, même minime, amène de la clarté.
Ne reste pas seule avec tes doutes. Entoure-toi, fais-toi accompagner.
Merci Marie-Claire pour ce partage et cet échange❤️.
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*DREES : Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques
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